20 octobre 2021 in COMPTE RENDU

COMPTE RENDU DE LECTURE de REBELLE DE Fatou KEITA

Rebelle est l’histoire de Malimouna l’héroïne du roman. Le village de Boritouni, la vie calme, les normes rigides et intransigeantes que personne ne pense contredire jusqu’au jour où une belle petite fille de douze ans, la Rebelle ose dire non à la tradition. Rattrapée par son passé, elle nous raconte ce qu’a été sa vie. Mais avant de nous fondre dans les méandres de ce roman foisonnant d’intrigues, attardons nous un peu sur ce personnage principal. Malimouna est fille unique (pour sa mère) et un enfant solitaire. Elle vit avec sa mère Matou, reniée par son père.

« Louma, le père de Malimouna, les avait abandonnées depuis longtemps, sous prétexte que Matou ne faisait plus d’enfant, et qu’il lui fallait des fils qui porteraient son nom et seraient sa fierté. » lit-on p24.

C’est le premier choc vécu par la petite : l’abandon et le rejet. Elle se refugie alors dans la nature. En effet Malimouna meublait ses moments de solitude par des promenades dans la forêt. La brousse cet univers foisonnant de vies dans lequel tout est féérie et plaisir des sens, était son refuge. Elle s’émerveillait continuellement dans cet antre luxuriant. Curieuse de tout, elle y passait des moments de détente incroyables. Elle aimait surtout les feuilles ainsi que les insectes, des plus beaux aux plus difformes, qu’elle ne se lassait jamais de contempler. Un jour, au cours d’une de ses promenades, la petite fille en âge d’être excisée fait une découverte bien insolite pour une fille de huit ans. Cette vision la maintiendra, des jours durant, dans un état de panique que sa mère peinait à justifier. Qu’est-ce que la petite a bien pu voir de si ahurissant ? Elle a vu Dimikéla l’exciseuse du village. Dimikéla, la femme la plus austère du village, la femme qui ne rit pratiquement jamais. La femme que les gens n’osaient guère approcher en dehors des cérémonies d’excision. .. C’était la femme la plus respectée, la plus écoutée et la plus crainte de tout le village. Malimouna par ses habitudes entêtées de promenade en pleine brousse, surprend la digne exciseuse en plein ébat avec le jeune Seynou, le chasseur le plus vigoureux et le plus adroit du village. Ils étaient tout nus couchés à même le pagne de Dimikéla et gémissant bizarrement… Cette découverte brisa aux yeux de Malimouna le mystère autour de cette femme et elle refuse de se faire exciser parce qu’elle ne veut pas subir ce baptême du couteau et parce qu’elle ne considère plus l’exciseuse comme un exemple à suivre. Cette hypocrisie manifeste gênait la petite fille. Du haut de ses huit ans elle ne put comprendre qu’une chose : se faire exciser c’était devenir comme Dimikéla, une hypocrite qui abusait de la confiance de tous. Elle ne voulut pas participer à cette mascarade. Ainsi Dimikéla prise à son propre piège accéda aux volontés ‘‘insensées’’ de la petite qu’elle blesse à la cuisse au lieu de l’exciser vraiment. Ce fut leur petit secret et la vie continua son cours, inexorable jusqu’à la fatidique nuit de noces.

Ce bout d’elle-même qu’elle réussit ainsi à garder sera l’objet de bien de désagréments futurs. En effet quand la petite eu quatorze ans, son père se souvint de son existence et la donna en mariage au vieux Sando, un riche commerçant du village avec qui il avait des affaires. La nuit de noces, la nuit de la découverte. Les amants habillés de leur seuls intimités, se dévoilèent l’un à l’autre La nuit de noce dévoilera ce secret à l’heureux époux. Horrifié et dégoûté par la vue de ce bout de chaire banni, ce clitoris tendu venu jusqu’à lui. Il n’en croyait pas ses yeux. Il demande des comptes prêts à alerter la maisonnée endormie. Se faire exciser était un devoir en ces temps-là. Nul ne peut s’y soustraire sans devenir la risée de tout le village. Ne pas être excisée est même considéré comme un sacrilège, une infamie. Toucher à une femme non excisée était une façon de se souiller. Le mari de Malimouna se sentait trahi et souillé. Il allait dénoncer cette dévergondée et la faire exciser sur le champ. Heureusement que Malimouna fut plus rapide en l’assommant d’un coup qui le plaqua au sol. Elle s’enfuit dans la nuit, habillée et parée en jeune mariée.

Elle débarque ainsi accoutrée en ville et par un heureux concours de circonstance devient nounous dans une famille d’expatriés. La vie semblait reprendre son cours normal, mais elle devra à nouveau partir. Sa vie à nouveau se confronte aux dures réalités de la vie. Elle expérimente l’injustice et la précarité de sa situation parce que sa patronne la renvoie pour une peccadille : elle soupçonne son époux d’être tombé sous le charme de Malimouna. La grande beauté de Malimouna avait foudroyé le jeune époux ainsi que le cuisinier de la maison. Pour sauver son couple, la patronne fut obligée de se séparer d’elle. Elle la confia à un couple ami qui recherchait une nounou pour les vacances. Elle se retrouva en France au service de ce jeune couple qui ne pensait qu’à s’amuser et profiter des vacances. La vie devenait monotone pour elle. Les jours étaient tristes, les nuits froides. Elle avait le moral bas jusqu’à ce soir-là où le mari de sa nouvelle patronne, subjugué à son par sa beauté, essaya de la violer. Elle s’enfuit à nouveau dans la nuit froide de cette ville Balnéaire de France. Sa beauté à nouveau lui portait préjudice. La femme elle-même devenait un obstacle pour son propre épanouissement. Une nouvelle errance commença qui la mena chez un pasteur et sa femme, des gens formidables qui l’aidèrent énormément. Mais leur conception de la religion et du jugement dernier :

« Jésus était le passage obligé pour aller vers Dieu. » p72 s’opposait à ses conceptions, la mettaient mal à l’aise et la révoltaient souvent : « Elle était perplexe, perturbée, torturée. Elle pensait à sa mère. Sa mère qui était si croyante…et qui de surcroît avait tant souffert. Serait-elle, elle aussi, la proie du diable, au jugement dernier, parce qu’elle priait à l’est et non au nord ? Cela ne pouvait-être. » se rebellait-elle.

Elle se sentait mal et décida de partir. Ils furent pour elle de véritables guides pour sa vie future en France. Elle vécu avec eux quelques mois avant de partir vers d’autres horizons donner du sens à sa vie. Elle voulait s’instruire et suivre une formation.

« Ils lui donnèrent des adresses de foyers africains où elle trouverait certainement quelqu’un pour l’aider et la guider. » p74

Elle se retrouva à Paris au foyer africain. Un foyer où se retrouvent plusieurs nationalités et plusieurs traditions chèrement entretenues. Toute l’Afrique semble s’être donné rendez-vous là, au cœur de Paris. On se dirait vraiment en Afrique : les aliments africains y étaient commercialisés, les pagnes africains, les tresses africaines, le vécu africain, toute l’Afrique s’était donné rendez-vous dans ce foyer. Elle y découvrit aussi un nid lui rappelant son Afrique et ses misères, son Afrique et ses pratiques avilissantes : mariage forcé, sujétion de la femme, maternité rapprochée, excision, viols, misère et drames divers… Partout la femme semble dans de mauvais draps. Partout elle est traquée et malmenée. Partout les coutumes la briment. Cette découverte raffermira sa décision de se former pour aider les femmes. Elle s’inscrit au cours du soir pour commencer. Elle apprit très vite à lire et à écrire. Pourtant la vie ne fut pas aisée pour elle.

« La vie a été assez dure pour Malimouna au début, lit-on à la page 79 elle dût voler de ses propres ailes en s’adonnant à de menus travaux : aide-coiffeuse, plongeuse de cantine…pour payer son cours à l’Institut des Etudes Sociales. Ce choix s’est imposé à elle parce qu’elle

« voulait porter assistance aux femmes africaines en France. C’était le défi qu’elle s’était lancé. »

C’est la vie de Fanta une jeune malienne du foyer qui lui avait fait sentir ce besoin d’aider ses sœurs de France. Fanta, la jeune malienne était une victime de mariage forcé. Elle était venue rejoindre en France un homme qu’elle ne connaissait que de nom et qui la mettait enceinte presque tous les ans…sa fille Noura, mourra en se faisant exciser de force par une vieille du foyer. La pauvre Fanta se retrouvera en prison ainsi que son époux abandonnant ses enfants… Malimouna réussira avec brio ses études. Son diplôme en poche elle trouvera vite un travail aidée par le directeur de son école monsieur Blain. Les deux collègues tombèrent amoureux. Blain l’aimait passionnément et était prêt à affronter le monde entier pour elle. Il réussit à dompter le fauve qui sommeillait en elle. Malimouna était nostalgique du pays, un occasion s’offrira : Blain était nommé à un poste de directeur de l’Ecole Française de Salouma. Mais la tendance des Blancs à se regrouper, à se retrouver entre personnes de même Race lui pesait. Ces Blancs vivaient en vase clos et jugeaient les autres sans les connaitre vraiment. Elle se rebellait contre ces comportements racistes. Car elle ne semblait pas être revenue chez elle en Afrique.

Elle devra le quitter à cause du racisme de sa sœur et se liera d’un amour passionnel à Karim un jeune noir qu’elle épousera très vite. Karim était un amour. Il était au petit soin pour elle. Son travail au Centre de Rééducation pour Enfants handicapés l’occupait et cet amour tout nouveau la rendait si heureuse. Cependant elle était tourmentée par des interrogations auxquelles elle peinait à répondre depuis son retour au pays: qu’était devenu le vieux Sando ? Et sa mère ? Elle avait dû souffrir de cet incident…où était-elle ? Comment la retrouver sans réveiller les rancœurs du passé ? Il lui fallait des réponses, il fallait qu’elle revoie sa mère. C’était devenu une obsession quasi permanente. Karim l’aidera à trouver des réponses. Il lui ramènera sa mère et sa vie s’épanouira. Des enfants viendront égayer leur nid d’amour et l’éloigneront un peu de ses activités et surtout de l’AAFD son association. Elle reprendra ses activités malgré les réticences de son époux pourtant très engagé autrefois dans ses luttes auprès des femmes. A présent tout l’agaçait. Il en était devenu violent avec sa femme. Ainsi de défenseur des femmes battues, Malimouna était devenue à son tour une femme battue. De plus sa lutte pour ‘’un mieux-être’’ de la femme lui donnait de la popularité ce qui déplaisait à Karim. Leur vie de couple se mit à battre de l’aile. Elle quitta le domicile conjugal en découvrant sa bigamie. Pour se venger, Karim aida les frères de SANDO à la kidnapper… Mais elle n’en fit pas un drame car d’autres combats l’attendaient.

Un beau roman à lire et à faire lire. Rebelle le premier roman de Fatou KEITA est un roman nommé d’audacieux dès sa publication et ce à juste titre. Rebelle est audacieux par son titre, sa thématique, son engagement farouche et grave ainsi que par son côté dénonciateur et rebelle. Ce titre lui va à merveille pour dire toute sa rancœur et son hargne de certaines pratiques traditionnelles : l’excision, le mariage forcé, les violences faites aux femmes, les brimades de tous genres, les sujétions, la polygamie, le bannissement… toutes avilissantes pour les femmes et nuisibles pour le développement de notre continent. Un seul roman pour passer en revue tous ces travers de notre société et toutes ces misères conçues et entretenues depuis des siècles pour embrigader et assujettir les femmes.

Fémicriture,

Passionnément lire!

5Armelle Lokonon, Gràce Ladivine et 3 autres personnes8 commentairesJ’aimeCommenterPartager




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