Texte : Marre d’eux
Hier soir, nous sommes allés manger chez des compatriotes. Après un repas copieux bien arrosé – Ah ! mes compatriotes savent accueillir leurs hôtes, même à l’étranger – la discussion s’emballa et quelqu’un jeta un pavé dans la mare.
– Mes chers amis, apprêtez-vous pour une nouvelle dévaluation à la fin d’année !
– Hein ! Dévaluation ? hurla-t-on en chœur.
– Dévaluation ! répétai-je. Et pourquoi donc ?
L’informateur notre hôte, qui venait de rentrer fraîchement d’Europe se lança dans un cours d’économie sur l’Euro qui s’essoufflait, et que le FCFA devait réveiller de sa torpeur. Moi je n’y comprenais rien du tout. Sinon comment penser qu’un plus pauvre que soi peut voler au secours d’un magnat des finances. Pour avoir un euro, nous autres pauvres nègres devions débourser six cent soixante-quatre francs et poussière. Maintenant, il nous faudra débourser plus de mille francs.
-Et pourquoi cela ? demanda ma sœur généreuse. Qu’avons-nous fait nous à Dieu pour toujours payer pour les autres ?
– Indignez-vous ! Indignez-vous ! ai-je crié avec force. Il est temps d’avoir notre printemps tropical. Ou notre hivernage tropical. On trouvera le nom à lui donner en son temps. Mais il est temps. Indignez-vous ! Indignons-nous contre cette surexploitation de l’homme par l’homme qui veut que notre monnaie, le CFA soit arrimé à l’Euro, qu’elle vole à son secours quand elle est surévaluée et entre en difficulté. Nous ne nous sommes pas encore relevés de la dévaluation précédente, et une nouvelle pointe à l’horizon. Elle apportera avec elle notre printemps tropical. Indignez-vous ! Indignons-nous ! L’heure a sonné…
Adélaïde FASSINOU, Ma Vie entre parenthèses, LC EDITIONS, Paris, 2016, pp. 58-59
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