Assouka – Sophie ADONON
Assouka la pièce de Sophie ADONON ressuscite le débat autour du rôle de la femme dans la société. Il évoque aussi la conception autrefois vivace de l’inutilité de la fille et son incapacité à réaliser comme les hommes des prouesses dans la société. Débat fort dépassé de nos jours mais toujours d’actualité dans certaines zones où les mentalités évoluent lentement. L’émancipation des femmes, credo des temps modernes va-t-elle se faire dans un tel contexte ?
Cette pièce de théâtre écrite en alexandrins compte cinq actes. Assouka est aussi bien le titre de l’ouvrage que le nom du personnage principal. La scène se déroule dans la maison de Dossou, commerçant à Cotonou. Sêkpê-Yoli, sa femme vient d’accoucher de son cadet, une petite fille cette fois-ci qu’elle adore de tout son cœur. Le père Dossou est très mécontent du sexe de l’enfant. Mécontent est d’ailleurs peu dire pour qualifier l’état dans lequel ce bébé-fille met son père. Cette maternité est à ses dires inutile et vile. La mère dès cet instant sera persécutée par son époux qui la somme de lui faire un autre enfant, un véritable : un fils. Dieu dans sa miséricorde bénira le couple d’un autre fils. Dossou jubile et n’a d’yeux que pour ses fils. Le mâle, le sexe fort, voilà ce qu’il lui faut. Ses fils, seuls « viatiques qui m’évitent d’échecs » ne cesse-t-il de clamer car la fille plus «tard, ne sera, … que déboire. » Toutes tentatives pour le raisonner furent vaines. Il nie toute possibilité à Assouka de réussir au même titre que ses deux frères promis eux à un brillant avenir par leur sexe naturellement triomphant. Asouka sera élevée dans cet univers hostile, persécutée, rejetée, rabaissée. Sêkpê-Yoli sa mère sera son seul soutien et son seul réconfort.
Cependant rien ne décourage la petite. Contre vents et marrées, portée par d’heureuses rencontres, Assouka l’intelligente prouvera à son père qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le sexe. Pourtant cette brillante étoile a bien failli s’éteindre faute de moyens. Le père fort nanti refusait de gaspiller ses sous pour scolariser une fille naturellement vouée à l’échec. C’est le père de sa meilleure amie et directeur de son école monsieur Paul ALLOGO qui la sauve en s’engageant à subvenir à ses besoins jusqu’à la fin de ses études. Élève précoce et décidée, Assouka finira médecin cardiologue. Soutenue et encouragée par sa mère Sêkpê-Yoli elle avait un défi pressant à relever. Il fallait prouver à ce père que la fille, « le deuxième sexe », l’incapable, pouvait tout. Auréolée de ce nom qui est force, bravoure, puissance elle défie le mâle tout puissant et conquérant que représentent ses frères.
Reconnaissons quand même que Dossou est un homme vraiment entêté. Pour lui, il n’y a que les hommes pour réussir dans la vie. Malheureusement, les deux garçons prunelles de leur père finiront mal. L’aîné finira mendiant et envieux, l’autre mécanicien. Enfants gâtés et peu portés à l’ouvrage, les deux frères finissent médiocrement parce que encouragés dans cette impasse par leur père aimant jusqu’à la bêtise. Incapable de réprimander et englué dans cette conviction du mâle dominant et naturellement capable de tout réussir, il a oublié qu’un enfant est à façonner, à modeler, à orienter constamment. Pour ce père, être mâle est la seule condition pour réussir. Il a oublié que seul le travail assure la réussite. Ses deux garçons payeront cher cette ignorance du père.
Désormais la fille a réussi brillamment et suscite la convoitise de ses frères et de son père. A présent le père est fier. Il est père d’une fille qui a réussi et il doit en profiter. Mais il faudra bien se rapprocher de la fille autrefois abandonnée aux bons soins du directeur. Pour se frayer un chemin rapide vers cette source de revenue, vers l’enfant autrefois mal aimé et combattu par frères et père, ces derniers sont prêts à tout. L’ancien directeur qui a sauvé Assouka de la déperdition et du gouffre où la misère l’aurait confiné à jamais malgré ses talents et sa détermination, devient à leurs yeux l’ultime obstacle à abattre. Meho et son père tenteront d’éliminer le directeur Paul Allogo par strangulation pour avoir librement accès à leur riche parent. Heureusement, Il sera sauvé de justesse d’un arrêt cardiaque par Assouka la nouvelle cardiologue de l’hôpital. Dossou croyant avoir tué Paul se suicide. Sur son lit de mort il demande pardon à sa fille pour son erreur et reconnait que tous les enfants se valent. Le rideau se lève sur un chant de guerre qui sollicite aussi bien les femmes que les hommes.
Passionnément lire!
Fémicriture
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